Connaissez-vous Emmanuelle Ménard ? Si on vous pose cette question, ce n’est bien entendu pas anodin. En effet, il s’agit de la députée de la 6e circonscription de l’Hérault (depuis 2017), et son activité en tant que telle nous intéresse tout particulièrement puisque cette dernière a récemment déposé une proposition de loi à l’Assemblée Nationale le 19 janvier 2021, celle-ci ayant pour idée le renforcement du dispositif de défiscalisation dit « loi Madelin », du nom de l’ancien ministre de l’Économie et des Finances Alain Madelin (gouvernement Juppé en 1995).

À quoi correspond ce fameux dispositif loi Madelin, et dans quelle mesure cette proposition de loi vise-t-elle à le renforcer ? En quoi le renforcement du dispositif de défiscalisation Madelin peut-il être bénéfique ?

Dans le contexte sanitaire et économique actuel, une telle proposition de loi s’inscrit dans une optique de soutien de l’économie française en ciblant particulièrement l’investissement en direction des PME (« Petites et Moyennes Entreprises »), actrices majeures de notre économie, au cœur des préoccupations de l’exécutif français.

Aussi, vous propose-t-on un petit rappel de ce à quoi correspond le dispositif Madelin, ainsi qu’un passage en revue du contenu de la proposition de loi de la députée Emmanuelle Ménard.

Le loi Madelin : qu’est-ce que c’est ?

Le loi Madelin permet d’investir dans des entreprises du type « PME », et ainsi de pouvoir bénéficier d’une réduction d’impôts sur le revenu : il s’agit donc d’investir dans l’économie réelle pour profiter d’un avantage fiscal. Cet avantage fiscal, réservé aux particuliers, consiste en une baisse d’impôts dépendant du montant souscrit au capital social d’une PME.

Quelles conditions faut-il remplir afin de disposer de la réduction d’impôt pour investissement dans le capital social d’une entreprise ?

Ce dispositif s’adresse à toute personne fiscalement domiciliée en France et souscrivant directement au capital initial ou aux augmentations de capital de petites et moyennes entreprises (PME), que cela soit en phase d’amorçage, démarrage ou expansion.

De plus, l’investissement doit être effectué sous forme « numéraire », c’est-à-dire en espèces, chèques ou encore en virements bancaires.

En outre, afin d’être considéré comme une souscription en capital, l’investissement doit porter sur des titres de capital (actions de préférence) ou de parts sociales, mais pas sur des apports en comptes courants ou sur des achats d’obligations (y compris convertibles ou échangeables en actions).

Dans quelles entreprises peut-on investir dans le cadre du loi Madelin ?

Une entreprise doit présenter certains critères afin que le placement du particulier rentre dans le champ d’application du dispositif de réduction d’impôts sur le revenu (source : Ministère de l’Économie) :

    • Posséder son siège social en France, ou dans tout État de l’espace économique européen
    • Répondre à la définition européenne des PME
    • Avoir été créée depuis moins de 7 ans et être en phase d’amorçage, démarrage ou d’expansion. Cependant, il est tout à fait possible d’investir dans une PME de plus de 7 ans, à condition toutefois qu’il s’agisse d’un investissement sur un nouveau marché géographique ou de produits, d’un montant supérieur à 50 % du chiffre d’affaires annuel moyen des 5 années précédentes.
    • Ne pas être une entreprise en difficulté au sens de la réglementation européenne
    • Être soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) et exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale ou agricole
    • Ne pas être cotée en bourse
    • Être l’employeur d’au moins 2 salariés, pour une entreprise artisanale, au moment de la clôture de l’exercice suivant la souscription ouvrant droit à la réduction d’impôt

Il convient tout de même de préciser que, en contrepartie de ce « cadeau fiscal », les personnes physiques qui ont ainsi investi dans le capital social d’une PME s’engagent à conserver leurs titres pour une période minimum courant jusqu’au 31 décembre de la 5ème année suivant la souscription. De plus, un remboursement n’est pas possible avant la fin de la 10ème année suivant celle de ladite souscription.

Le loi Madelin en quelques chiffres

La réduction d’impôt accordée aux personnes physiques effectuant des versements au titre de la souscription en numéraire au capital initial, ou aux augmentations de capital de certaines petites et moyennes entreprises (PME), se monte normalement à un taux de 18 % du montant des sommes investies. Cependant, faisant suite à la suppression de l’ISF-PME (janvier 2018), l’article 137 de la loi de finances 2020 rehausse actuellement ce taux en la majorant à 25 % pour les investissements effectués jusqu’au 31 décembre 2020.

Jusqu’à combien peut-on ainsi investir actuellement au taux majoré de 25 % ? La loi prévoit 2 cas de figure :

    • Les versements sont plafonnés à la somme de 50 000 euros pour les particuliers célibataires
    • Les versements sont plafonnés à la somme de 100 000 euros pour les couples mariés, ou étant liés par un Pacs (« pacte civil de solidarité ») et soumis à une imposition commune

 Vous vous demandez ce que cela peut concrètement représenter ? Vous avez bien raison ! En effet, une petite subtilité est à connaître.

En théorie, la réduction d’impôts sur le revenu peut aller jusqu’à 12 500 euros pour un célibataire (25 % d’un maximum de 50 000 euros d’investissement) et jusqu’à 25 000 euros pour un couple marié ou « pacsé » (25 % d’un maximum de 100 000 euros d’investissement).

En pratique, ce montant est réduit annuellement à « seulement » 10 000 euros, du fait de ce que l’on appelle « le champ d’application du plafonnement des avantages fiscaux ». Qu’est-ce donc que ce plafonnement et à quoi correspond son champ d’application ?

Qu’est-ce que le plafonnement global des avantages fiscaux ?

En effet, la plupart des avantages fiscaux à l’impôt sur le revenu dont peuvent bénéficier les particuliers sont globalement plafonnés, chaque année, à un montant de 10 000 euros depuis la loi de finances 2013. Toutefois, certains d’entre eux profitent d’un plafond spécifique plus élevé, d’un seuil de 18 000 euros.

Voici donc un petit récapitulatif des principaux avantages fiscaux, avec leur plafond applicable « en pratique ».

Les principaux avantages fiscaux soumis à un plafond global de 10 000 euros :

    • Le crédit d’impôt transition énergétique (CITE)
    • Le crédit d’impôt frais de garde des jeunes enfants
    • Le crédit d’impôt emploi d’un salarié à domicile
    • La réduction d’impôt investissement locatif intermédiaire (Pinel)
    • La réduction d’impôt IR-PME dite « Madelin »

 Les principaux avantages fiscaux soumis à un plafond global de 18 000 euros :

    • La réduction d’impôt accordée au titre de certains investissements réalisés en outre-mer dont Pinel outre-mer
    • La réduction d’impôt accordée au titre des souscriptions au capital d’une société de financement d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles (Sofica)

Existe-il des avantages fiscaux non soumis à ce plafonnement global ?

Fort heureusement, oui ! Les avantages fiscaux liés à la situation personnelle ou à la poursuite d’un objectif d’intérêt général sont exclus du champ d’application du plafonnement. Par exemple :

    • La réduction d’impôt consécutive aux effets du quotient familial
    • La réduction d’impôt relative aux frais de scolarité des enfants
    • La réduction d’impôt liée aux dépenses de dépendance
    • Le crédit d’impôt en faveur de l’aide aux personnes
    • La réduction d’impôt au titre des dons faits aux particuliers
    • La réduction d’impôt dite « Malraux »

En outre, certains dispositifs compris dans les modalités de détermination des revenus nets catégoriels sont, du fait de leur nature, hors du champ du plafonnement global, par exemple :

    • L’avantage en impôt procuré par les charges déductibles du revenu global (telles que les pensions alimentaires ou bien les cotisations sociales des indépendants)
    • Les abattements et les réductions calculés à partir du revenu brut catégoriel (déduction pour frais professionnels, abattement de 10 % sur les traitements et salaires, ainsi que sur les pensions de retraite, abattements pour les régimes « micro » (BIC, BNC, BA) …)
    • Les exonérations de revenus catégoriels

Pour faire suite à ces rappels utiles (on l’espère !) concernant le dispositif Madelin, penchons-nous à présent sur les tenants et aboutissants de ce que propose la députée Emmanuelle Ménard afin de « mettre à jour » ce dernier, en le « musclant » quelque peu afin de mieux répondre aux répercussions que la crise sanitaire liée au Covid-19 a, et pourrait avoir, sur l’économie française.

Focus sur la proposition de loi n°3758 du 19 janvier 2021

Comme l’explique la députée Emmanuelle Ménard dans l’exposé des faits de sa proposition de loi, cette dernière trouve sa justification dans les conséquences du contexte économico-sanitaire que nous subissons depuis plus d’un an, mettant en avant que « dans ce contexte de tension économique extrême, il est à prévoir que de nombreuses entreprises, qui ont eu de grandes difficultés à surmonter les effets du premier confinement, ne parviendront pas à faire face aux conséquences du reconfinement. »

Partant du constat que près de 99 % des entreprises françaises sont classées en PME (« petites et moyennes entreprises) ou TPE (« très petites entreprises »), et que presque 50 % des salariés en France (soit près de 7 millions) sont employés par des PME, il convient donc « d’encourager l’investissement des particuliers auprès des entreprises françaises pour amorcer un cercle vertueux en matière d’emploi, de consommation et donc de relance de notre économie ».

Cet encouragement passerait, d’après ce projet de loi Madelin, par un soutien de l’économie réelle, et donc des PME.

Ainsi, l’investissement des particuliers dans l’économie « réelle », c’est-à-dire dans le capital social des PME, par exemple, via une réduction d’impôts incitative telle que celle du dispositif Madelin, semble effectivement appropriée pour remplir cet objectif.

Que prévoit donc exactement la proposition de loi n°3758 du 19 janvier 2021 déposée par la députée Emmanuelle Ménard pour aller dans ce sens et soutenir l’économie française à travers ses PME ?

Pour mieux s’en rendre compte, voici le détail des 4 articles de cette proposition de loi :

    1. Article 1: il propose d’augmenter le taux d’exonération actuel du dispositif « Madelin », qui est actuellement de 25 %, pour le faire passer à 30 %, sachant que ce dispositif est ouvert « à toute personne fiscalement domiciliée en France et qui souscrit directement au capital initial ou aux augmentations de capital de petites et moyennes entreprises (PME) en phase d’amorçage, de démarrage, ou d’expansion »
    2. Article 2: il propose d’appuyer le placement dans l’épargne en rehaussant les plafonds d’investissement que prévoit le dispositif « Madelin ». Ainsi, le montant « 50 000 euros » est remplacé par le montant « 75 000 euros », de même que le montant « 100 000 euros » est remplacé par le montant « 150 000 euros » 
    3. Article 3: il propose de supprimer le plafonnement de la « niche » fiscale créée par le dispositif « Madelin » de l’article 199 terdecies‑0 A du code général des impôt. L’objectif étant de déplafonner cette « niche » pour éviter qu’elle soit saturée inutilement
    4. Article 4: il vise à compenser les pertes de recettes de l’État au moyen de la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Dans le cas où cette proposition de loi venait à être acceptée, et donc votée, l’avantage fiscal pour les contribuables qui investiraient dans des PME pourrait alors atteindre jusqu’à 22 500 euros pour un célibataire, et jusqu’à 50 000 euros pour un couple marié ou pacsé.